Pourquoi un crédit-carbone n’est ni viable, ni logique ?
Le futur pass-climat ou crédit-carbone, évoqué par le président de la république lui-même, comme une potentialité, dans son discours du 7 novembre 2022 lors de la COP 27 à Charm el-Cheikh, longtemps pensé comme largement improbable, prend un tour de plus en plus réel.
Selon un documentaire du 14 novembre 2022 sur BFM-TV, l’objectif de ce « permis carbone » serait de « réduire notre empreinte environnementale pour parvenir à nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre et limiter l’ampleur du réchauffement climatique dans les décennies à venir ». Concrètement, il pourrait s’agir d’une carte magnétique qui totaliserait le stock de CO2 restant, que le consommateur doit présenter à chaque achat afin de “payer” son coût carbone.
Pourtant, nous estimons que le citoyen y perdrait toute autonomie, ce qui fonde sa qualité de citoyen, et que ça le rapprocherait d’un robot dont on téléguiderait la consommation. Pourtant, une analyse de nos fondements juridiques, ainsi que des bases contemporaines de notre économie et du marketing qui la sous-tend, rend ce projet peu probable dans une dynamique coercitive.
Les médias, alimentés par le pouvoir testent actuellement dans un programme d’ingénierie sociale l’idée d’un pass-climat ou crédit-carbone. Une idée qu’on attribuait au départ à la « sphère complotiste » devient subitement une information publique. Au-delà du fait que le complotiste, par l’ouverture permanente de sa réflexion et sa défiance naturelle à l’égard du pouvoir, se rapprocherait d’une forme de prospectiviste, ici encore, il faut remarquer que cette proposition du pouvoir qui finit par arriver n’est au mieux qu’une grande hypocrisie, et au pire une véritable usine à gaz qui, comme toujours en macronie, pénalisera et entravera les plus défavorisés (que l’on qualifie désormais comme une situation de « sobriété subie »).
Quoi que séduisante soit l’idée, il est fort probable que ce soit un gadget de plus qui risque de ne pas marcher. Mais ce n’est peut-être pas le but principal. Sans doute le but accessoire est-il juste d’habituer la population à voir l’essentiel de ses choix individuels contrôlés. Il s’agit d’une nouvelle ingénierie sociale que nous avons connu pendant la crise (ou l’épisode) Covid-19 – le but étant d’obtenir une habituation progressive de la population à accepter quelque chose qu’elle considèrerait initialement inacceptable (on parle aussi de nudge). C’est donc une « fabrique du consentement ». En gros, cela revient, quand on veut jeter la grenouille dans une marmite d’eau bouillante – sachant qu’elle sauterait directement en dehors de l’eau – à chauffer progressivement et lentement la marmite pour que la grenouille accepte le sort qu’on a décidé pour elle. L’épisode Covid-19 terminé, après le but prophylactique, le but climatique.
Bien entendu, je peux me tromper, ce n’est qu’un avis. Mais voici pourquoi, malgré la passion des « pass » entretenue par nos politiques, cette hypocrisie ne peut valablement fonctionner et risque de se limiter à un discours. D’abord, juridiquement, un tel pass se heurte à nos libertés individuelles, Ensuite, économiquement, un tel pas contrevient aux principes mêmes du consumérisme que notre système met en place.
1. Une entrave aux libertés individuelles, fondement du contrat social
D’abord, parce qu’il va être conçu comme en 2004 l’on a conçu pour les industriels un système de quotas d’émission de gaz à effets de serre – la commission européenne, bien technocratique, ne sait pas raisonner autrement, et le néolibéralisme ne voit qu’à travers le tout-marché.
Le marché carbone est une pierre angulaire de la politique énergie-climat européenne. Ce système d’échange de quotas d’émissions ou système de permis d’émissions négociables sont des outils réglementaires facilitant l’atteinte pour tout ou partie des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre déterminés politiquement. L’UE a mis en place depuis 2005 un marché du carbone pour mesurer, contrôler et réduire les émissions de son industrie et de ses producteurs d’électricité. On va donc faire un marché de la pollution carbone avec un système de quotas de départ pour chacun, et où ceux qui en voudront plus les achèteront a ceux qui en disposent et n’en ont pas utilité.
En gros, vous l’avez compris : ce sera ceux qui n’ont pas la possibilité de profiter des activités les plus énergivores, ou qui ne pourront pas consommer ou se divertir, c’est à dire les pauvres et les plus démunis, qui feront encore la variable d’ajustement (toujours un réflexe en macronie, qui est une pensée – rappelons-le – darwinienne et malthusienne).
Un tel pass serait en outre une atteinte jamais vue à la liberté individuelle, et un plongeon radical dans l’autoritarisme : Dois-je arrêter de faire des apéritifs entre amis et réduire ma vie sociale lorsque j’ai épuisé mes quotas de carbone ? Je mange trop de viande et j’aime le barbecue, on va me bloquer sur ma consommation de viande ??? J’ai un ami qui déteste les légumes, il fait comment pour s’ “adapter” ?
C’est une immixtion considérable dans les choix individuels des gens. Autrement dit : c’est la fin de la liberté de décider et de choisir librement ce que l’on désire dans nos vies. Nous devenons les robots de l’Etat qui décide et sait mieux que nous ce que nous devons faire. L’intrusion potentielle dans la souveraineté individuelle de chacun est patente. Autant s’assoir de suite sur la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Impensable au vu de sa valeur fondamentale pour notre Etat de droit et notre contrat social.
Mais si juridiquement, un tel pass est une hérésie, il est contradictoire avec les principes économiques néolibéraux qui le sous-tendent.
2. Une entrave contradictoire au modèle consumériste néolibéral
L’Union européenne s’est fondée sur un marché et ne perçoit le citoyen que comme un consommateur-producteur-jouisseur, au sein d’un grand « marché intérieur », depuis 1986. Ce pass ne peut donc que revêtir la forme d’un « marché » car il faut que l’idéologie du marché continue (l’Europe de Maastricht ne va certainement pas subitement changer son braquet néolibéral !).
En aucun cas ça ne pourrait être une entrave à la consommation puisque le rêve néolibéral est de réduire la citoyenneté au consumérisme. Or tout le système est fondé là-dessus depuis le départ.
Dès lors, une entrave à la consommation pose plusieurs questions : si on met une limite à la consommation des gens, alors ils épargneront ? Ils iront consommer sur le darknet ce qui générera des phénomènes de contournement qui ont toujours existé lorsqu’une réglementation n’a pas le vrai sens qu’il prétend avoir. Ainsi, ils feront comme les avocats qui font mine de respecter les 35 h avec un second timesheet pour les heures effectuées et non déclarées ?
Comment vont vivre les compagnies aériennes, par exemple, si on nous interdit de prendre l’avion au-delà d’un certain nombre de voyages ?
Tout le modèle néolibéral est fondé sur le fait qu’on consomme des choses dont on n’a pas besoin ! Les industriel ne voient la population que comme une ressource lui permettant d’ouvrir de nouveaux marchés, destinés à accroitre leurs revenus afin de créer de la valeur nouvelle pour l’actionnaire qui lui met la pression.
Impossible donc de subitement venir mettre une limite à cela sans revoir tout le modèle économique, ce qui n’est pas prévu. Ce serait la mort des grandes industries et de nos élites.
Le projet ne « colle » pas. Il y a là une grosse incohérence.
Le seul but est probablement juste de faire de l’ingénierie sociale pour instituer juste un climat de peur qui amène à modifier les comportements instinctivement avec nos cerveaux limbiques, cela amuse les politiques qui ont une passion des “pass” etc. Mais comme pour les “assises des sectes et du complotisme“, ça n’ira jamais vers des actes trop concrets. La peur suffira à soumettre les gens. Et les pauvres paieront une fois de plus car ce seront les seuls qui devront se priver pour faire redescendre le seuil de consommation. Puisque chacun pourra acheter des droits de polluer a l’autre qui ne les a pas utilisés (le pauvre).
Ce n’est donc pas viable juridiquement, ni économiquement.
Au mieux, cela s’arrêtera à une ingénierie sociale incitative. En effet, Michael Evans, président d’Alibaba, déclarait lors du Forum Economique Mondial de Davos en mai 2022 : « Nous développons, grâce à la technologie, la possibilité pour les consommateurs d’évaluer leur propre empreinte carbone. Qu’est-ce que cela évalue ? Là où ils voyagent, comment ils voyagent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils consomment. Il s’agit d’un outil de suivi de l’empreinte carbone individuelle. Cet outil n’est pas encore opérationnel, mais restez branchés. C’est quelque chose sur lequel nous travaillons. ». Toutefois, passer de l’incitatif au coercitif (bien qu’il n’y ait en réalité qu’un pas), pour les raisons que nous venons d’évoquer, nous permet d’émettre des réserves. Ce ne sera pas aussi simple que l’inacceptable, discriminatoire et liberticide pass sanitaire.
En effet, ce n’est pas viable juridiquement car c’est un remplacement de la volonté et de la liberté incompressible des individus (la souveraineté individuelle et l’autonomie), et ce n’est pas viable économiquement car cela contrevient à la seule façon encore de créer de la valeur dans une économie néolibérale : l’obsolescence programmée et la surconsommation, consommation qui est censé nous faire oublier tous nos malheurs (précarité, salaires, avenir, démophobie des élites et comportement populicide des dirigeants).
Le citoyen ne doit pas céder aux pressions du neurofascisme, qui voudrait le réduire aux fonctions de produire, jouir/se divertir et consommer. Le citoyen a des droits politiques individels, notamment le principal qui est de participer à la vie publique. C’est le fondement même de la liberté politique apportée par les Modernes.
Un citoyen rationnel