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Temps de lecture : 7 minutes

Hommes politiques, tous « corrompus » ? Hélas, c’est bien possible…

Alors que la chambre « ingouvernable » issue des législatives 2022 faisait la une des journaux et émissions télévisées, l’abstention montrait une fois de plus à quel point le peuple n’y croit plus. Un cancer dont on parle au fond assez peu, comme s’il n’y avait pas de vrai remède, et qui touche surtout les jeunes, sous le symptôme du « tous corrompus ». Plus qu’un symptôme fantasmé, hélas ; une réalité révélée par une simple expérience citoyenne soumettant les candidats à l’épreuve de la défense de l’État de droit. Résultat : un désastre, qui montre à quel point notre République, pourrie par la tête, attend les circonstances qui la feront tomber.

Les élections de suivent et se ressemblent, sur un point au moins : la désaffection grandissante des électeurs qui se traduit par des taux d’abstention de plus en plus vertigineux.

Même les médias qui tiennent avant tout à consolider le système en place, ont fini par faire une petite place au sujet, en prenant garde toutefois de laisser la part belle aux représentants des « partis dominants », qui évitent toujours de parler au fond de l’abstention, se contentant de dire à l’occasion qu’elle a avantagé leur adversaire.

On n’a pas encore eu l’idée d’inviter des abstentionnistes sur les plateaux, et notamment des citoyens qui auraient des histoires solides pour expliquer pourquoi ils ne font pas confiance aux « représentants du peuple » pour les gouverner.

En même, si cela se faisait, il y aurait certainement des façons diverses de la faire parler, comme le montre l’analyse d’articles écrits dernièrement sur ce sujet : « pourquoi l’abstention ? ».

On trouve en effet trois grands types d’approches pour répondre à cette question :

  • L’approche statistique descriptive : on mesure ici les taux d’abstention par âge, catégorie professionnelle, niveau de revenu ou sympathie politique. Exemple type, cet article publié par Ipsos. Des chiffres intéressants certes, mais qui cachent la réponse de fond, et pourraient faire croire que cette description épuise le sujet, alors que, comme le savent bien les sondeurs, corrélation n’est pas causalité.

  • L’approche « circonstancielle », qui réponde à la question dans le cadre d’une élection particulière, et donc compte tenu de l’identité des candidats, des éventuelles « péripéties » de la campagne (pensons aux emplois fictifs de P Fillon en 2017), d’évènements du moment que les medias choisissent de prendre en compte (la Covid, la guerre en Ukraine, les congés, la météo, …). La question est alors « pourquoi n’avez-vous pas voté à cette élection ? ». Exemple type de cette approche ici, qui insiste sur la perception d’une campagne inexistante, l’absence de focus des candidats sur les sujets clés (pouvoir d’achat, santé, environnement), ou l’absence de connaissance des candidats locaux (une étrange excuse, dont l’électeur est au moins autant responsable que les candidats eux-mêmes)

  • L’approche « de fond », qui explore les motivations profondes des (non) électeurs, en les mettant face à la question « pourquoi (ne) votez-vous (pas) aux élections en général ? ». En voici ici un exemple, écrit certes au lendemain du 1er tour des législatives de 2022, mais qui cite des résultats de travaux menés par des chercheurs en science politique, qui vont sonder les raisons générales de cette abstention d’autant plus massive que le citoyen est jeune. Résultat, trois groupes de raisons sont citées :

    • Une raison circonstancielle, citée par Vincent Tirberj, chercheur à Sciences-Po Bordeaux : la campagne « chloroforme », avec le moins de débat public possible, voulue par le président pour minimiser les critiques contre son camp

    • Une raison institutionnelle : le système des législatives post présidentielles du quinquennat actuel donne moins d’enjeu à l’élection pour les soutiens du/ des candidats récemment battus à la présidentielle

    • Mais surtout des raisons sociologiques plus profondes : (i) « la défiance grandissante vis-à-vis des représentants politiques et d’une offre qui ne satisfait plus les électeurs, qui se sentent déconnectés de leurs élus », citée par Christèle Lagier, maîtresse de conférences de science politique à l’université d’Avignon, (ii) une fatigue démocratique et un discrédit moral du personnel politique, cités par Olivier Galland, motifs soutenus par (iii) l’étude qu’il avait co conduite en février 2022, où 69% des jeunes de 18-24 ans interrogés estimaient que « les hommes politiques sont corrompus ».

Les hommes politiques, tous corrompus ? Voyons ce que disent des faits, nés du terrain.

J’habite un village du Val d’Oise où la mairesse et les élus n’hésitent pas, hélas, à agir de manière clairement, ou selon toute apparence, illégale. 2 exemples pour l’illustrer :

  • La rétention illégale de documents publics dont le citoyen fait demande. Selon la loi, tout citoyen peut accéder aux documents publics dont il fait la demande, sous un délai d’un mois après la demande. En cas de refus, le citoyen peut saisir la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) pour lui demander de statuer. Depuis des années, hélas, j’ai dû faire appel à ce dispositif, avec presque à chaque fois une décision positive de la CADA, manifestant l’illégalité de l’action municipale.

  • Des manipulations d’amiante illégales, selon toute apparence. Récemment, dans une affaire encore en cours, la mairie s’est mise à se préoccuper de nettoyer une friche qu’elle possède. Ce terrain d’un peu plus d’un hectare est clos de murs qui la séparent de propriétés citoyennes. Certains de ces murs sont en souffrance, voire se sont écroulés, victimes sans presque aucun doute de l’abandon municipal depuis trente ans. Alors la mairie a décidé d’engager le nettoyage de la friche et a découvert de l’amiante. Ce matériau, du fait de sa dangerosité, voit sa manipulation sévèrement encadrée par la loi. Mais la mairie a souhaité s’en affranchir ; des manipulations d’amiante ont eu lieu, au point qu’en 5 mois, trois documents différents de situation de présence de l’amiante sur la friche ont été produits à la demande citoyenne. Selon ces bilans, des parcelles ont vu l’amiante disparaître, d’autres apparaître, enveloppées dans des bâches. Et la mairie refuse, malgré les avis de la CADA, de fournir les références des intervenants ; guère de doute, tout ceci a dû se faire hors la loi. Et, dans ce jeu de cache-cache, j’ai saisi plusieurs fois le préfet, au titre de son rôle de contrôle de la légalité des actes des élus. Mais le préfet ne répond pas, la question l’embarrasse, et son silence couvre les fautes apparentes des élus indélicats. Clairement pas l’idée que l’on se fait, en tant que citoyen, d’une pratique d’État de droit. Et un premier soupçon que ces acteurs publics, pris au hasard de l’action d’un citoyen engagé, sont effectivement corrompus, au sens où ils ne souhaitent pas respecter la loi ou la faire respecter.

Et, dans ce contexte, voici les législatives qui amènent de fringants candidats à briguer nos voix. Alors, au-delà des programmes qui invitent le citoyen à croire aux promesses, la situation m’a donné l’occasion de tester, sur pièces, avant de voter, la capacité de chacun des candidats d’agir pour faire respecter l’État de droit, à s’engager pour le citoyen plutôt que de protéger a priori, à tout prix, les élus et gouvernants en fonction. Alors j’ai écrit à chacun des candidats disposant d’un adresse mail publique (11 sur les 17) en les invitant, pour me prouver leur engagement pour l’État de droit, à adresser au préfet un courrier lui demandant de répondre à mes saisines, en me mettant en copie de ce courrier. Bref, une invitation simple au courage et à la transparence, prouvant que ces candidats ne sont pas d’ores et déjà corrompus, dans la défense d’une valeur démocratique de base : l’État de droit.

10ème circonscription ; 17 candidats, dont voici la liste :

  • Les représentants de partis :

    • Aurélien Taché, NUPES, député sortant (élu LREM il y a 5 ans)

    • Victorien Lachas, Majorité présidentielle, conseiller municipal

    • Richard Durand, Rassemblement National

    • Granvorka Puisard, Reconquête

    • Patricia José, UDI/ Les centristes

    • Sabine Rigouste, Les Patriotes

    • Christophe Flaux, Lutte ouvrière

    • Matthieu Binet, Parti ouvrier indépendant démocratique

  • Les indépendants :

    • Sylvie Loulendot, citoyenne sans étiquette +

    • Sanaa Satouli, citoyenne sans étiquette +

    • Prabagarane Madi, citoyen, Pour une gauche Républicaine et responsable

    • Malek Benseddik, citoyen sans étiquette, conseiller municipal +

    • Augustin Belloc, citoyen sans étiquette +

    • Patricia Fidi, citoyenne indépendante +

    • Karim Ziabat, citoyen sans étiquette +

    • Najet Arrar, citoyenne sans étiquette

    • Evelyne Ollivier, citoyenne écologiste

En orange, les candidats pour lesquels il n’y avait pas d’adresse publique disponible. Mauvais départ pour ceux-là, qui se rendent injoignables, et donc se coupent des citoyens dès le départ. Avec eux, aucune chance de plaider la cause de l’État de droit ! Autant cela peut être compréhensible pour des candidats citoyens, dotés de très peu de moyens, autant cela est inquiétant pour des candidats de partis, a priori plus « professionnels » et mieux dotés.

En bleu, le candidat élu. Sa défection, son mépris face à l’engagement pour défendre l’État de droit ne sont pas une surprise. Outre son passage interpellant de LREM en 2017 à NUPES en 2022, j’avais eu l’occasion de faire l’expérience concrète de ses arbitrages entre défense du citoyen et protection du système en place. En effet, alors même que j’étais assesseur LREM en 2017, que j’étais donc un citoyen engagé pour son parti, il m’avait laissé tomber sans hésiter, dans le bureau de vote, face au maire qui prétendait que les papiers me nommant assesseur n’avaient pas été remis à temps.

En rouge, le candidat présidentiel de cette année, que j’ai reçu chez moi lors d’une de ses tournées dans la circonscription, puis recroisé dans village voisin. Celui-ci a gigoté lors de ma demande, faite par oral avant la demande écrite. Il m’a indiqué avoir des « relations privilégiées » avec le préfet, et m’a juré les avoir mises en œuvre. Mais tout ceci sans transparence, et sans résultat in fine. C’est certain, les soutiens du président ne vont pas changer les pratiques historiques. À l’aune du courage pour défendre le droit et les citoyens, aucun espoir avec celui-là.

En vert, la seule candidate qui a réagi à ma demande, même si sa démarche n’est pas allée jusqu’au bout.

La réponse est claire : pas un des candidats « de parti » n’a répondu à mon invitation. Seule S. Loulendot, par sa directrice de campagne, m’a téléphoné le lendemain de mon message, pour me dire que sa candidate partageait mon indignation, et allait produire le courrier demandé.

Ainsi, face à un choix simple, éclairant, que les candidats à l’élection peuvent faire librement, le refus d’obstacle est général. Tous, d’emblée, montrent qu’ils ne mouilleront pas la chemise pour même aider le droit à avoir juste une chance d’être respecté, s’il est effectivement violé.

Mais il faut sans doute distinguer l’effet dans les deux groupes :

  • Les candidats « indépendants », le plus souvent sans moyens, courant après les urgences. Mon seul regret avec eux, dans leur manque de réaction, est que cela manifeste sans doute la faible importance qu’ils donnent à une exigence de base : que les élus respectent la loi, et que les contrôleurs contrôlent

  • Les candidats de partis, dotés de moyens, et dont le silence manifeste donc a priori un choix moins contraint, plus révélateur de ce que serait leur comportement s’ils étaient au pouvoir.

Alors, candidats des partis, tous corrompus demain s’ils sont élus, au sens où ils se donneront des passe-droits au mépris des citoyens, même lorsque ceux-ci les sollicitent directement sur des problèmes avérés ? Hélas oui, vu par le résultat de ce test en vraie grandeur, tous corrompus !

L’abstention, celle des jeunes en particulier, n’est pas près de reculer. Ce système de représentation, gageons-le, finira par s’effondrer, victime d’un coup de bélier du peuple excédé, un jour, d’être ainsi négligé.

Comment ? Par exemple par l’effet d’une conjonction d’effets : un écart de conduite qui fait une victime (eh oui, cela arrive) connue localement, un mouvement de protestation qui commence à lever (comme pour les crimes à la source de Black lives matter), une ampleur un peu plus forte que d’autres fois, dans un contexte de peuple chauffé à blanc par d’autres causes conjoncturelles… Bref, juste un concours de circonstances, dans un jeu de hasard à forte probabilité.

Quand ? Impossible à prédire.

Mais une chose est certaine, opportunistes ambitieux, acteurs prêts pour un renouveau, tenez-vous prêt, la rupture est devant nous, juste une question de quand ?

F. Lainée

Vice-Président Nous Citoyens France

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