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R.N: Rassemblement National, ou Ressemblance Néfaste ?

Il semble y avoir une loi de la vie politique, aussi universelle que les lois de la physique : l’écoute du citoyen par les partis est vigoureuse tant qu’ils n’ont aucune chance d’atteindre le pouvoir, et quasi nulle quand ils sont devenus des « partis de gouvernement ». Bien que peu illustrée par les media classiques, cette loi se vérifie systématiquement par l’expérience. Aujourd’hui elle atteint le R.N, nouveau prétendant sérieux aux affaires. Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Démonstration !

Le pouvoir a tendance à corrompre ; le pouvoir absolu corrompt absolument. Cette citation, attribuée à Lord Acton, politicien anglais du 18 ème siècle, serait-elle toujours d’actualité ?

Plus que jamais, diraient sans doute de nombreux citoyens si on rapprochait la question de la condamnation récente à de la prison ferme d’un ancien président de la République, ou de l’élimination d’un ancien premier ministre de la course à la présidence pour les emplois fictifs dont avait bénéficié son épouse.

Et ces exemples ne sont hélas pas l’apanage de la droite. Sous le président Hollande, un ministre des finances avait fait un parcours météoritique avant que des fraudes fiscales ne l’emmènent du côté des truands pourchassés plutôt que des chasseurs zélés.

Certes, diront les défenseurs de la classe politique, il y a des exemples, mais tant de contre-exemples. Ce à quoi leurs contradicteurs auront beau jeu de répondre que ceux dont on n’a pas trouvé les fautes sont peut-être des coupables qu’on ignore, faute d’avoir encre assez regardé.

Finalement, l’opinion penche pour la défiance. Ainsi, selon le dernier sondage annuel du Cevipof sur l’opinion des Français sur la politique, seuls 30% d’entre eux jugent que les politiciens élus ne sont plutôt honnêtes. Et seuls 18% estiment que leur avis est pris en compte par ces mêmes politiciens.

Dans ce contexte, les novices du pouvoir peuvent jouir d’un avantage : celui du bénéfice du doute. Leurs idées et promesses n’ont pas encore été confrontées à la réalité ; leurs comportements une fois le pouvoir en main n’a pas encore été observé.

Autant d’atouts qui jouent aujourd’hui en faveur du Rassemblement National, que les partis autoproclamés « républicains » et les médias, inquiets pour la plupart, présentent comme tenant la corde pour le prochain quinquennat.
Pourtant, d’ores et déjà, des observations factuelles laissent à penser qu’avec le RN au pouvoir, le citoyen ne sera pas mieux écouté, pas mieux considéré qu’avec tous ceux qui ont tenu les manettes jusqu’ici.
Suivez-moi dans le laboratoire citoyen où ces observations ont eu lieu. Il s’agit de l’Ile de France et, dans le pays le plus taxé du monde (parait-il), l’outil de mesure est… Une taxe !

En l’occurrence, la taxe de séjour, cette somme dont les visiteurs des lieux d’hospitalité (palaces, hôtels de tourisme, résidences de tourisme, meublés de tourisme ou location de vacances entre particuliers (dont chambre chez l’habitant), chambres d’hôtes, villages de vacances, hébergements de plein air (camping, caravanage, aires de camping-cars et parcs de stationnement touristique), ports de plaisance – la liste est longue, mais les pouvoirs publics sont affamés)… Doivent s’acquitter. Une taxe dont le montant, par personne et par jour, était au départ fixé par la commune, avant que viennent s’y joindre les groupements de communes.

Et voilà que, pour 2024, une couche supplémentaire s’ajoute en Ile-de-France : Ile-de-France Mobilités (IDFM) revendique sa part , 2 fois le montant levé par la commune.

Pour moi, dont la propriété abrite une maison que nous louons en gîte rural, la taxe quotidienne par personne passe ainsi de 0,9 € à 2,5 €. Pour un groupe de 6 personnes (la capacité du gîte), cela fait une augmentation de plus de 70 € par semaine.
Une décision tombée d’en haut, sans justification aucune, annoncée dans notre cas par l’organisation des Gites de France, qui collectera la taxe.

Une décision qui fait causer entre propriétaires de gîtes, sans doute aussi chez les propriétaires de AirBnB, mais finalement le contribuable se résigne, et une fois de plus l’administration Française prouve sa maîtrise dans l’art fiscal : plumer l’oie sans qu’elle crie.
Mais certaines oies tentent malgré tout de se faire entendre. J’ai tendance à en faire partie… Et là, outre le ras le bol fiscal une fois de plus stimulé par cette « innovation », certaines caractéristiques de cette décision laissent perplexe le citoyen que je suis :

  • Tout d’abord IDFM, le bénéficiaire de cette taxe, est-il habilité à en lever ? Rappelons-le, IDFM, c’est l’organisateur des transports publics de la régon Ile-de-France, et donc une organisation publique, différente de la région mais totalement inféodée à elle (V. Pécresse en est aussi la présidente). Peut-être, par une pirouette règlementaire, IDFM peut-elle lever une taxe mais, pour le citoyen que je suis, c’est la région qui en est responsable, car c’est son budget qu’elle soulage. Et l’emploi d’IDFM comme bénéficiaire affiché ressemble à une sorte de cache-cache pour ne pas apparaître comme le pouvoir à qui on enlève du crédit.
  • Ensuite, l’absence de toute explication sur ce qui justifie cette taxe aggrave cette impression de furtivité, et a un arrière-goût de mépris. Surtout quand, comme moi, on est un utilisateur fréquent des RER A ou B, qui voit les travaux interminables à sa station, les arrêts de service en semaine après 22h avec des bus de remplacement qui rallongent le trajet de 30 à 40 minutes, … Alors on se demande, est-ce pour faire aboutir enfin ces chantiers interminables chez moi ? Pour payer les retards et dépassements de chantiers du Grand Paris ? Pour financer des extravagances Olympiques sous-évaluées ?
  • Enfin vient la question du consentement à l’impôt, un droit en principe fondamental garanti par l’article 14 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, elle-même inscrite dans notre Constitution. Cet article stipule : «Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Cet article, un des cauchemars de Bercy, stipule bien « par eux-mêmes », un élément que les tenants du pouvoir cherchent à écarter dès qu’on mentionne ce droit, en indiquant que le principe de l’élection est de déléguer, et même d’abandonner ce droit aux élus. Pas pour moi, il me semble normal de pouvoir demander des comptes aux élus. Et là, avec le prélèvement automatique, ce droit est de fait confisqué.

Bref, à mes yeux, pas mal de griefs, voire d’anomalies, dans cette décision et ce dispositif.

Alors, le 19 janvier dernier, j’écris à Mme Précresse, la présidente de la région (et d’IDFM), pour (i) exposer le contexte et mon analyse, (ii) l’inviter à avoir le courage d’afficher que c’est la région qui taxe, (iii) me démontrer la nécessité incontournable de ce prélèvement, tel que prévu par l’article 14. Et je lui rappelle en même temps quelques mésaventures survenues lorsque j’avais essayé d’obtenir les données de badgeage de ma carte Navigo, pour analyser la qualité de service qui m’était fourni, et qu’on m’avait baladé en me disant qu’elles n’étaient pas disponibles.

À ce jour, plus d’un mois plus tard, aucun retour. De minimis, pretor non curat !

Mais, sans attendre aussi longtemps, le 19 janvier, faute du moindre accusé de réception, je songe qu’il serait prudent d’activer aussi les oppositions au sein du conseil régional. Et notamment la première, le Rassemblement National, un groupe dirigé par Wallerand de Saint-Just, et comptant en son sein Jordan Bardella, potentiel premier ministre paraît-il.

Ainsi, ce jour-là, j’envoie, à l’adresse mail fournie par le site de la région, une demande aux élus ci-dessous :

  • Wallerand de Saint-Just et Jodan Bardella, pour le Rassemblement National
  • Nathalie Elimas et Laurent Saint-Martin, pour la majorité présidentielle
  • Arine Pelerin et Benoît Hamon, pour «Le rassemblement pour l’écologie et la solidarité »
  • Colette Gergen et Fabien Guillaud-Bataille pour la «Gauche communiste écologiste citoyenne »
  • Isabelle Beressi et Rachid Temal, pour les « Socialistes, écologistes et radicaux »
  • Christophe Prudhomme pour la France insoumise.

Je leur fais part dans ce message de la situation, et leur demande ce qu’ils peuvent faire pour au moins fournir au citoyen que je suis une réponse à ses questions, et d’agir pour l’aider, en leur suggérant d’être positivement disruptif par toutes voies d’interpellation, proposition, communication et/ ou mise en demeure du pouvoir en place pour l’amener à être courageux, honnête, transparent.

Aucun retour, de personne, ne suivra ce message. Pas même un accusé de réception, même automatique. Et une relance à tous deux semaines plus tard subira le même sort.

Parti gouvernant, parti d’opposition ayant pignon sur rue, tous identiques ! Rien à faire du citoyen qui les interpelle. Ce citoyen, on fait semblant de s’adresser à lui quand le vote est en jeu ; après, on l’invite à se taire, et on l’ignore complètement s’il vient prendre la parole.

Il y a au moins trente ans, lors d’une élection législative, je m’étais livré à peu près au même exercice. Frustré par les programmes creux exposés sur les tracts, j’avais écrit à tous les candidats de la circonscription pour leur demander des exemples concrets des mesures qu’ils souhaitaient localement. RPR, UDF, PS, PC… Aucun des partis « de pouvoir » ne m’avait répondu. Par contre les Trotskistes, les écologistes (alors ultra minoritaires) et le Front National (lui aussi minuscule à l’époque) m’avaient tout de suite répondu, et invité à venir à des réunions de campagne.

C’est ainsi, quand les partis n’ont aucune chance d’arriver au pouvoir, ils ont faim de convaincre par l’échange et l’écoute ; quand ils ont gagné leur place dans les forces institutionnelles, celles qu’invitent les media dominants, nous ne sommes plus pour eux que des bulletins de vote, et hélas pas des gens qu’ils souhaitent vraiment servir, en même temps qu’ils gouvernent.

Et le Rassemblement National en fait maintenant partie.

Peut-être viendra leur tour de gouverner le pays ; cela ne changera rien pour la démocratie. Ce ne sera toujours pas le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, que nous promet la constitution.

Aujourd’hui leur musique semble très écoutée. Mais c’est un air bien triste, même si le barde est là.

F. Lainée

Vice-président de Nous Citoyens – France

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