Vive la crise politique
Le vote de la loi concernant l’immigration peut être analysé de plusieurs manières. Certains en ont une conception politicienne autour de la question du Rassemblement national (RN). Leur vision, assez banale et généralement répercutée par la presse conforme, s’inquiète plus du vote RN quand il leur est hostile que lorsqu’il leur est favorable. Mais ils ne semblent pas remarquer qu’ils font eux-mêmes du RN l’épicentre du jeu politique.
En fait, ce que les principaux responsables et leur presse aux ordres n’acceptent jamais de regarder, c’est l’état lamentable des institutions que révèlent les évènements politiques depuis quelques mois. Un gouvernement minoritaire et même largement illégitime depuis les élections de 2022 gouverne par ukases et refuse l’expression démocratique, y compris celle du Parlement comme l’a montré le non-vote de la loi retraites, adoptée aux forceps via le 49-3.
Les évènements les plus récents ne sont pas un accroc temporaire et accidentel. Ils ne sont que le prolongement des dénis successifs de démocratie engagés depuis que Nicolas Sarkozy, avec l’aide des parlementaires, a bafoué le vote des Français exprimé le 29 mai 2005, depuis que les gouvernements successifs, face aux manifestations populaires, font la sourde-oreille, utilisent la force et la masquent par des débats inutiles ou des conventions qu’ils manipulent.
Répéter en boucle, dans ce champ de ruines, que « ce n’est pas la rue qui gouverne » et se féliciter d’avoir des institutions qui évitent la chute du gouvernement n’est qu’une manière de dire « taisez-vous et laissez-nous diriger ». En fait, il est anormal que, dans une crise politique aussi évidente, le gouvernement n’ait pas été renversé, qu’il n’y ait pas dissolution de l’Assemblée ou même que la place du Président de la République ne soit pas évoquée.
Il ne s’agit pas de se réjouir de la crise profonde aujourd’hui. Il s’agit, en revanche, de la regarder en face de façon constructive et d’en tirer enfin les conséquences. On ne peut pas parler perpétuellement de démocratie et la nier dans la pratique. Ces méthodes autoritaires doivent cesser et laisser la place à un retour pacifique, mais ferme, à la volonté du peuple, fondement de la démocratie, exprimée en particulier par les citoyens dans leurs assemblées communales. Tel est le sens de l’élection d’une Constituante au suffrage universel.
André Bellon