Emmanuel Macron, jusqu’au moins 2032 ?
Deux mandats consécutifs… C’est la limite inscrite dans la Constitution pour occuper le palais de l’Élysée en tant que président de la République. Alors, fin du règne de Macron prévue en 2027. Les couteaux déjà s’affutent dans la Macronie et sa périphérie ; les opposants fourbissent les armes contre les prétendants à sa descendance, et les media, déjà, se réjouissent de ce marronnier qui régale leurs journalistes politiques. Mais tout ce petit monde a-t-il bien tout prévu ? Un récent développement intervenu en Polynésie Française permet d’en douter.
Emmanuel Macron respectivement en 2017, en 2022 et via le filtre vieillissant de l’IA de FaceApp
Beaucoup de monde a été « rassuré » par la seconde élection d’Emmanuel Macron en se disant que son terme était fixé : le Président de la République ne pouvant se présenter à plus de deux quinquennats, Emmanuel Macron voit le terme extinctif du sien arriver en 2027 – qui plus est sans disposer de majorité parlementaire au regard de celle indécente dont il avait profité en 2017 pour révéler sa conception autoritaire, unilatérale et verticale du pouvoir. Il ne pourra donc aller plus loin, il devient inéligible à cette fonction. L’article 6, alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 relatif au Président de la République dispose en effet que : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » C’est à partir de là que toute la vie politique française – notamment parisienne – commence à faire ses calculs et que les esprits de « fin de règne » commencent à arriver.
Pourtant, il ne faudrait pas s’arrêter à ces simples réflexions et nous croire trop rapidement débarrassé d’Emmanuel Macron – qui partirait vers d’autres cieux et relâcherait la bride de l’agenda néolibéral, notamment l’Agenda 2030 dont il aura été un exécutant particulièrement zélé – ce qui rendrait la politique journalière moins anxiogène sur nos destins. C’est en effet négliger l’analyse stratégique de la macronie, le sens politique du Chef pour s’imposer à une population qui ne l’a sans doute jamais vraiment fondamentalement désiré et son goût pour les coups symboliques, et sa recherche de la maîtrise des choses sans ombrages.
Emmanuel Macron n’a pas attendu 2017 pour commencer à modeler la vie politique. Il faut savoir qu’en 2027, Emmanuel Macron aura déterminé en réalité la vie politique déjà depuis 15 ans. En 2017, lorsqu’il est élu, son emprise était déjà déterminante depuis déjà 5 ans. En effet, il a été nommé Secrétaire Général adjoint de l’Elysée aux questions économiques dès 2012 et il suffit de s’arrêter simplement sur l’affaire Alstom pour démontrer qu’il a eu bien plus de pouvoirs à ce poste qu’ensuite à Bercy. Si Le Secrétaire Général de l’Elysée est connu comme « l’inconnu le plus puissant de France », le Secrétaire Général adjoint aux questions économiques dispose de bien plus de pouvoirs qu’un simple ministre. La vente d’Alstom à Général Electric et donc aux États-Unis aura eu raison de M. Montebourg, malgré ses tentatives de décrets pour empêcher la vente. Ensuite, celui qui était appelé à devenir notre Président prendra carrément sa place puis sera aidé à investir l’Elysée, continuant à modeler notre vie politique selon ses vues (néolibérales, autoritaires, verticales descendantes, désintermédiées, démophobes, xénocrates, liberticides et avec une touche de mépris de classe). Beaucoup de gens sont ainsi psychologiquement rassurés par cette limitation salvatrice à deux mandats, instituée par Nicolas Sarkozy en 2008 en se disant que la calvaire – et le chantage spécieux à l’extrême droite utilisé pour forcer le passage – pourrait enfin cesser. Personne n’y pense car chacun croit que tout est fait, mais rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.
Comment serait-il alors possible qu’il demeure Président, en ayant deux quinquennats, et alors même que la Constitution lui pose une limité claire ? Tout simplement en ne faisant pas vraiment deux mandats, c’est-à-dire en démissionnant juste avant le terme de son second mandat. Il y aurait alors des élections présidentielles anticipées. Dans ce cas, il n’aura juridiquement pas effectué deux mandats complets, et il pourrait se représenter juridiquement et légitimement pour son deuxième vrai mandat, duquel il pourrait encore démissionner pour jouer le même coup, mais là ce serait juridiquement plus improbable – tout comme « roquer avec la tour », en imitant Vladimir Poutine avec Dmitri Medvedev, dont il était devenu le Premier ministre pour mieux revenir comme Président. En effet, il faudrait attendre cinq ans que quelqu’un lui « chauffe la place » (qui ? La défiance règne en Macronie et il est obligé de sacrifier son dernier pion avec Attal) pendant qu’il serait Premier ministre. Les trahisons et aléas de la vie politique, accrus davantage encore en Macronie, ne lui donneraient pas le contrôle total et certain pour durer aussi longtemps sans les prérogatives que permet l’Élysée.
D’où vient ce raisonnement ? De l’analyse d’un avis rendu par le Conseil d’Etat le 18 octobre 2022 relatif aux conditions de cumul dans le temps du mandat de président de la Polynésie française, et demandé par le Gouvernement, sur la question de savoir si l’article 74 de la loi organique de 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie, qui limite le Président de Polynésie à deux mandats « successifs » pouvait permettre, en cas d’interruption du second mandat, La Section de l’Intérieur du Conseil d’Etat répond au Gouvernement que : « la disposition s’entend comme limitant à deux mandats successifs de cinq ans complets l’exercice de la présidence de la Polynésie et qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat ». Or, cette analyse du Conseil d’Etat sur la Polynésie pourrait juridiquement, par analogie, tout à fait se transposer à la situation nationale mutatis mutandis. Tout tenant en un mot : la loi organique dit « deux mandats successifs » pour le Président de la Polynésie, alors que la Constitution dispose « deux mandats consécutifs » pour le locataire de l’Elysée. Y-aurait-il une vraie différence entre « successifs » et « consécutifs » ? L’un signifiant « qui se succèdent », et l’autre « qui se suit dans le temps », revenant en réalité à en faire de parfaits synonymes. Ainsi, le raisonnement juridique serait probablement exactement le même dans l’hypothèse d’une démission d’Emmanuel Macron pour lui permettre de se représenter.
Ne nous réjouissons donc pas trop vite, Emmanuel Macron, stratège davantage qu’acteur, pourrait profiter de son siège encore jusqu’en 2032. Il aurait alors, dans cette hypothèse, exercé une influence de 20 ans sur les destinées du pays, dont presque 15 ans à l’Elysée. Ce serait plus que Mitterrand (14 ans), mais aussi – bien que dans le même état d’esprit – que Vladimir Poutine en 2024.
Tant qu’il est à l’Elysée, il contrôle le jeu politique quant à sa présence et le jeu des autres candidatures. Aussi, tout comme le droit n’est jamais aussi évident, il ne faut sans doute pas le voir parti, ni fini trop vite.
Le Citoyen déchaîné.